Diarrhée tropicale
19ème Journée de cochin
CONDUITE à TENIR DEVANT UNE DIARRHÉE TROPICALE
Pr Patrice BOURÉE - Unité de Parasitologie – Hôpital Bicêtre
La diarrhée du voyageur est un phénomène peu grave mais très gênant survenant le plus souvent en début de séjour. C’est le trouble le plus fréquent présenté par les voyageurs en zone tropicale. Selon les pays, la tourista a reçu divers noms locaux : Aden gut, ventre de Delhi, Djerbienne, Casablanca Crud, Danse Aztèque, Revanche de Montezuma, toilette de Hong-Kong, etc… Cette pathologie atteint en moyenne un voyageur sur deux et sachant qu’il y a environ 12 millions de voyageurs, cela fait un débit important chaque année. Les différentes études ont montré qu’une diarrhée du voyageur coûte entre 13 et 40 dollars/voyageur/jour, ce qui aboutit à un total variant entre 40 et 100 millions par an.
La diarrhée du voyageur est définie par la survenue de 3 selles liquides par jour (selon l’OMS), parfois accompagnées de douleurs abdominales et de vomissements. Elle apparaît surtout vers le 3ème ou 4ème jour, éventuellement vers le 10ème jour et parfois même au retour.
Ces troubles sont habituellement bénins (40%), modérés mais nécessitant un repos ou modification du programme (30%) ou encore importants nécessitant une hospitalisation (20%). Dans la grande majorité les troubles disparaissent entre 3 à 4 jours et 10% plus d’une semaine, avec un risque de séquelles à type de syndrome de l’intestin irritable.
La diarrhée du voyageur est due essentiellement à l’ingestion d’un agent pathogène : bactérie (Escherichia Coli entero-toxinogène ou ETEC, shigelles salmonelles …) virus (rotavirus, adénovirus, entérovirus) ou encore parasite (Giardia, Entamoeba, Cyclospora …). D’autres facteurs interviennent, comme une modification du régime alimentaire, un changement de climat et un peu de stress …
La diarrhée du voyageur survenant pendant le voyage nécessite sa prise en charge par le patient, sur les conseils préventifs de son médecin. La réhydratation orale est fondamentale (surtout chez les enfants et les personnes âgées). Le recours à la réhydratation IV n’est justifié qu’en cas de diarrhée massive avec des vomissements. Les antisécrétoires (type racécadotril) sont efficaces, les antiseptiques intestinaux (nifuroxazide) parfois et les ralentisseurs de transit ne sont recommandés que si la diarrhée persiste.
La diarrhée fébrile sévère avec du sang dans les selles justifie la prise d’antibiotiques : quinolones pendant 3 jours : ciprofloxacine (500 mg x 2/j), norfloxacine (400 mg x 2/j), ofloxacine (200 mg x 2/j) ou encore azithromycine (prise unique de 1 g).
Les examens biologiques sont inutiles et souvent irréalisables en voyage. Au retour en France, ils ne sont justifiés que si les troubles persistent malgré le traitement symptomatique.
A défaut de vaccin, les mesures préventives sont essentielles souvent résumées par la formule « peel it, boil it ou forget it » : éviter les crudités, peler les fruits, ne boire que de l’eau en bouteille (ou filtrée) ou traitée par Micropur® ou Aquatab®, se laver les mains avant les repas. La chimioprévention n’est pas recommandée et est réservée à certains cas (VIH, diabète, insuffisance cardiaque ou respiratoire, gastrectomisé).
Ainsi la tourista est-elle fréquente et banale, mais reste néanmoins gênante au cours d’un voyage. Aussi, le médecin doit-il insister sur les mesures prophylactiques (vaccins hépatite A et typhoïde), hépatite B et tétanos-polio étant considérées comme déjà acquises) recommandation d’hygiène alimentaire et prescription d’une trousse de pharmacie élémentaire. Avec ces précautions peu astreignantes, le voyage ne laissera que des bons souvenirs.