Maladie de Fabry

Journée de Cochin - Novembre 2007

La maladie de Fabry doit être considérée en 2007 comme une maladie systémique. Sa reconnaissance est importante car il existe un traitement enzymatique substitutif disposant d'une AMM Européenne depuis 2001.

Docteur Olivier LIDOVE - Service de Médecine Interne du Professeur PAPO - Hôpital Bichat (Paris)

La maladie de Fabry est une sphingolipidose réputée rare, avec une prévalence estimée entre 1/40000 et 1/117000 naissances (OMIM 301500). La séméiologie était globalement assez mal connue jusqu'à il y a quelques années, et est de mieux en mieux précisée.

Lorsque l'on considère le métabolisme des glycosphingolipides, deux pathologies sont à considérer chez l'adulte: la maladie de Gaucher et la maladie de Fabry essentiellement.Le déficit biochimique dans la maladie de Fabry concerne l'alpha galactosidase A, qui clive normalement le globotriaosylcéramide avec dégradation de ce céramide. En cas de déficit en alpha-galactosidase A, le globotriaosylcéramide (Gb3) ou céramide trihexoside (CTH) s'accumule. Le gène est situé sur le chromosome X en position XQ22.2.

La séméiologie de la maladie de Fabry est importante à connaître, lorsque l'on considère que le délai entre le premier symptôme et le diagnostic de Fabry est en moyenne de 17 ans chez l'homme, et de plus de 15 ans chez la femme.

On peut schématiquement distinguer 3 phases de la maladie (Tableau). La description qui suit concerne les hommes. L'ensemble des symptômes décrits peut également concerner la femme. En général les symptômes sont décalés dans le temps d'environ 10 ans avec un âge plus tardif d'apparition chez la femme.

I- A la phase précoce, entre 0 et 20 ans

Les principaux symptômes sont les acroparesthésies, qui sont des douleurs des extrémités, très invalidantes, parfois aggravées par l'exposition au chaud ou la fièvre. L'intensité de ces douleurs peut parfois pousser certains patients au suicide. Il s'agit du maître symptôme à la phase précoce, avec l'existence fréquente d'une discordance entre un examen clinique assez pauvre et des douleurs très intenses. A ces douleurs peut être associé un acrosyndrome. Le deuxième symptôme évocateur de la maladie à cette phase précoce est l'existence d'angiokératomes, lésions violacées, parfois hyperkératosiques, maculo-papuleuses, classiquement disposées en «caleçon» mais des localisations· à distance et en particulier muqueuses doivent être recherchées. Ces lésions ne s'effacent peu ou pas à la vitro-pression, ne sont pas prurigineuses, et donc un préjudice esthétique.

Le troisième symptôme classique est l'hypohidrose, ou hyposudation, prédominant classiquement en région axillaire, et rendant compte de l'intolérance à l'effort fréquente chez le patient.

Le quatrième symptôme à connaître à cette phase, et ayant un intérêt pour le diagnostic, en particulier chez la femme, est la cornée verticillée, aspect tourbillonnant de la cornée, au mieux visible avec un examen à la lampe à fente. Ceci ne retentit en général pas sur l'acuité visuelle. Un tel aspect peut être constaté en cas de prise chronique d'anti-paludéens de synthèse ou d'amiodarone.

II- Entre 20 et 30 ans

Apparaît en général une protéinurie parfois associée à une hyperfiltration glomérulaire. A ce stade, les acroparesthésies peuvent diminuer en fréquence et en intensité.

III- Après 30 ans

Trois complications majeures peuvent survenir, à savoir: accident vasculaire cérébral du sujet jeune, néphropathie glomérulaire, et atteinte cardiaque. Les accidents vasculaires cérébraux sont classiquement en territoire vertébro-basilaire la plupart du temps ischémiques, souvent récidivants. La néphropathie glomérulaire est exceptionnellement associée à un syndrome néphrotique. On peut retenir de façon schématique qu'en l'absence de traitement spécifique, 50% des patients masculins sont dialysés à l'âge de 50 ans. La principale atteinte cardiaque à retenir est celle d'une cardiomyopathie hypertrophique. L'existence d'un cœur épais sans cause évidente doit faire évoquer la possibilité d'une maladie de Fabry. Les autres atteintes cardiaques sont valvulopathies, des troubles du rythme et de la conduction. Un espace PR court est évocateur du diagnostic. En raison de ces trois dernières atteintes, cérébro-vasculaires, rénales et cardiaques, le décès survient en moyenne chez l'homme à 50 ans en l'absence de traitement.

Des formes limitées au cœur ou aux reins ont été décrites. En réalité, il existe probablement un continuum séméiologique entre ces «variants cardiaques ou rénaux» et les formes classiques de la maladie décrites précédemment.

D'autres atteintes ont été plus récemment décrites, à savoir: cataracte spécifique, surdité de perception bilatérale, Iymphoedème primitif des membres inférieurs, troubles digestifs qui peuvent représenter un signe précoce, ostéonécrose de la tête fémorale, syndrome obstructif non lié au tabac, atteintes psychiatriques.

Bien que la maladie de Fabry soit une maladie liée à l'X, les femmes ne sont pas seulement vectrices mais bien atteintes par la maladie à des degrés divers. L'espérance de vie en l'absence de traitement est d'environ 70 ans. Le phénotype est très variable d'une femme hétérozygote à l'autre, y compris au sein d'une même famille. La sévérité est variable sur les organes cibles chez une même femme, ceci étant lié au phénomène de Iyonisation, inactivation au hasard d'un des deux chromosomes X.

Le diagnostic de la maladie de Fabry doit être effectué chez l'homme par un dosage enzymatique de l'alpha galactosidase A dans les leucocytes, celui-ci retrouvant classiquement un taux effondré ou très bas d'enzyme. L'analyse génétique est essentielle pour l'enquête génétique dans la famille. Ce diagnostic biochimique n'est pas fiable chez la femme puisque environ 40% des femmes atteintes de maladie de Fabry ont un dosage enzymatique normal. Il est donc nécessaire de confirmer un diagnostic de maladie de Fabry chez la femme par un diagnostic génétique avec recherche de la mutation. Celui-ci nécessite le consentement de la personne, comme toute analyse génétique.

Bien qu'il existe à ce jour deux traitements enzymatiques substitutifs différents pour traiter les patients avec maladie de Fabry, le traitement symptomatique est toujours à l'ordre du jour. Les acroparesthésies seront traitées au mieux par la diphénylhydantoïne, la carbamazépine, ou la gabapentine, parfois associées. Les angiokératomes peuvent être traités par du laser. En cas de protéinurie abondante, un inhibiteur de l'enzyme de conversion sera prescrit. Un anti-agrégant plaquettaire est nécessaire en cas d'atteinte vasculaire. En cas d'insuffisance rénale chronique terminale, la dialyse et la transplantation rénale doivent être envisagées. Le soutien psychologique est souvent important pour cette maladie chronique, à transmission génétique. Dans cet ordre d'idée, le recours à une assistante sociale est souvent nécessaire. La prise en charge à 100 % est justifiée pour cette maladie génétique (17ème maladie dans le registre des maladies avec exonération du ticket modérateur).

Deux traitements enzymatiques substitutifs existent depuis 2001: Algasidase alpha (REPLAGAL) et Algasidase bêta (FABRAZYME).

A ce jour, le traitement enzymatique substitutif n'a pas montré de preuve d'efficacité sur le système nerveux central en terme de prévention des accidents vasculaires cérébraux. Une stabilisation de la fonction rénale peut être attendue en cas d'instauration précoce du traitement. Il existe une diminution de la masse du ventricule gauche sous traitement enzymatique substitutif. En revanche, on ne sait pas si cette diminution de l'épaisseur myocardique permettra une moindre fréquence de l'implantation des pacemakers ou des morts subites. Enfin, il n'y a pas à ce jour d'effet démontré sur la survie des patients. L'utilisation de molécules chaperones et de thérapie génique sont envisageables dans l'avenir.

La maladie de Fabry doit donc être considérée comme une maladie systémique, de transmission liée à l'X. L'expressivité de la maladie est très variable d'un patient à l'autre. Les femmes sont parfois sévèrement atteintes. Le diagnostic est encore fait trop tardivement. La découverte d'un cas index nécessite une enquête généalogique.