Synthése EPP Accident ischémique cérébral

Le cycle a permis aux huit praticiens de se rencontrer afin de mettre en commun et de comparer leurs pratiques au moyen de 2 audits cliniques sur le thème du « repérage de l’accident ischémique transitoire (AIT) en médecine générale » et ce, au cours de quatre soirées de travail échelonnées durant le deuxième semestre 2008 :

    • Jeudi 26 juin
    • Jeudi 17 juillet
    • Jeudi 23 octobre
    • Jeudi 11 décembre

Ce groupe d’EPP était assez homogène dans sa composition : 8 médecins libéraux tous en exercice dans le 19° arrondissement de PARIS : sept généralistes et un spécialiste (angéiologue). L’ensemble des membres des participants s’accorde cependant pour penser que la présence d’un plus grand nombre de spécialistes (cardiologues, neurologues voire même radiologues) aurait sans doute permis un échange d’informations plus significatif et plus enrichissant entre les médecins sur la thématique des AIT.

Après une explication détaillée du déroulement et des objectifs du cycle d’EPP, le groupe s’est interrogé sur les raisons du choix du thème des AIT compte tenu de la rareté apparente de l’observation de cette pathologie en pratique généraliste quotidienne. Après discussion et argumentations diverses, nous avons admis la pertinence de la prise en compte et la nécessité du dépistage de ce véritable syndrome de menace cérébrovasculaire qui est probablement méconnu sous-estimé voire non recherché chez les patients exposés : en fait plus nombreux qu’il n’y parait à première vue. La discussion a également porté sur la définition consensuelle au sein du groupe de la notion de patient à risque d’AIT, fondamentale pour toute dans démarche de dépistage et de prévention secondaire des AIT. Dès cette première étape : nous avons donc déjà pu constater dans notre groupe une évolution positive dans la prise de conscience de la nécessité du repérage et de la prise en charge précoce des AIT, pathologie finalement plus fréquente qu’on ne le croit. Tous les documents de références disponibles ont étés passés en revue et commentés : référentiels et recommandations de la HAS de 2007 et de 2008, score ABCDD sur le risque d’AVC après un AIT (entretiens de Bichat, 2007), articles de la presse médicale et sur internet, publications, congrès, cas personnels d’AIT,…

Deux points essentiels ont été abordés au cours de la soirée :

    • L’identification précise de l’objectif de cette action d’EPP : faire le bilan pour chaque participant de sa pratique concernant les AIT et voir ensuite comment l’améliorer sur ces 3 points : le diagnostic (interrogatoire++), la recherche d’une étiologie et la mise en place d’une stratégie de prévention secondaire la plus rapide possible.
    • Le recueil des informations permettant l’analyse et la comparaison de ces pratiques au moyen du remplissage par chaque médecin de grilles (méthode des audits cliniques ciblés) portant sur deux séries de cinq patients chacune.

Au terme de cette première phase, plusieurs remarques ont été faites par les médecins participants :

    • La plupart des indicateurs retenus pour la conception de ces grilles ont étés admis et bien intégrés
    • L’indicateur n°4 a fait l’objet de critiques : la notion d’obtention « en urgence » d’une imagerie cérébrale a dû être reprécisée. En particulier, il a été souligné que le délai de 24 heures en radiologie de ville est très difficile voire impossible à tenir ce qui oblige pratiquement toujours à recourir aux structures d’urgences spécialisées le plus souvent hospitalières (dont notre arrondissement est hélas dépourvu)
    • De même, pour le critère n°7 sur la recherche en urgence d’une sténose des vaisseaux du cou par écho Doppler compte tenu de la disponibilité des spécialistes de ville : cardiologues et angéiologues. Les généralistes et l’angéiologue participants ont constaté par ailleurs que cet examen pourtant simple était peu ou pas pratiqué chez les patients admis en service de cardiologie pour bilan cardiaque, ce qui parait assez étonnant compte tenu de la fréquence des cardiopathies et des artériopathies à l’origine des accidents ischémiques cérébraux. Ce fait nous a semblé suffisamment significatif dans notre pratique pour nous conduire à choisir notre deuxième indicateur de suivi au long cours de nos patients à risque AIT** : « pourcentage de patients admis pour bilan cardiaque, quelque en soit la cause, en service de cardiologie n’ayant pas fait l’objet d’une exploration carotidienne par écho Doppler »
    • L’impérieuse nécessité de mieux identifier les patients à risque d’AIT : âge supérieur à 70 ans (critère discutable dans la plupart des cas rapportés de notre groupe où l’âge moyen de survenue des AIT se situe autour de 60 ans) associé à au moins un facteur de risque cardiovasculaire selon le référentiel proposé dans cet EPP. Cette question de la définition et de l’identification des facteurs de risque vasculaire favorisants des AIT nous a paru essentielle. Pour cette raison, notre groupe a décidé d’en faire le premier indicateur de suivi au long cours des patients à risque AIT** : « pourcentage de patients à risque AIT vus en consultation pour lesquels il existe déjà un prise en charge du contrôle des principaux facteurs de risque vasculaire : HTA, dyslipidémie, diabète, tabagisme, excès pondéral »

A permis aux médecins de prendre connaissance des résultats de leurs propres audits recueillis auprès de leur patientèle, de les analyser, de les mettre en adéquation avec les recommandations de la HAS puis de les comparer au résultat global du groupe. A l’issue de ce premier audit « rétrospectif », chaque participant a pu situer son « niveau de départ » dans la démarche d’EPP qu’il a engagée et constater un « score » global du groupe plutôt bon pour chacun des 3 objectifs Qualité-sécurité (OQS) définis pour la prise en charge des AIT, soit : 88% pour le diagnostic, 71% pour le bilan et 78% pour la mise en route du traitement de prévention secondaire. Tous les chiffres et pourcentages individuels et du groupe ont étés passés en revue et discutés. La relative faiblesse du deuxième score a été notée ce qui nous a conduit unanimement à mettre l’accent sur les difficultés d’accès en urgence à l’imagerie cérébrale, scanner et/ou IRM, particulièrement marquées dans notre arrondissement comme nous l’avions déjà fait lors de la 1ère réunion. A ce sujet, nous en avons profité pour faire le point sur les principales structures d’urgence parisiennes de prise en charge des AIT (centres, hôpitaux, fondations,…) et leur mode de fonctionnement et également pour échanger des adresses utiles… Le groupe a ainsi dégagé une piste d’amélioration pour ses pratiques concernant ce deuxième OQS.

A été déterminante puisqu’elle nous a donné l’occasion d’examiner les résultats du deuxième audit à partir de nouvelles séries de patients et de constater les progrès accomplis par chacun des médecins et éventuellement de repérer où se situent les moins bons résultats et rechercher leurs causes éventuelles et la réponse à y apporter. Le score global du groupe dans ce 2ème audit « prospectif » met en évidence une progression notable sur les 3 OQS particulièrement nette sur le deuxième (86% soit plus 15%) et le troisième (86% soit plus 8%)) et plus modeste sur le premier (89% soit plus 1%). S’en est suivi un débat très nourri et riche en propositions et suggestions diverses faites par les médecins participants à la lumière de leur expérience sur les AIT dans leur pratique quotidienne antérieure à cette action EPP et cours de leur actuel engagement. Au terme de la discussion, le groupe s’est accordé pour définir deux nouveaux indicateurs de suivi au long cours des patients à risque AIT** (voir plus haut pour l’intitulé) afin de pérenniser leur démarche d’amélioration de leurs pratiques dans l’intervalle des six semaines séparant la troisième et la quatrième séance collective de ce cycle d’EPP.

Chacun des 8 participants ayant présenté sa grille de suivi portant sur environ 38 cas par indicateur et par médecin, nous avons pu déterminer une valeur moyenne du niveau atteint par chacun des 2 nouveaux indicateurs** retenus lors de la 3ème séance par le groupe soit : sur un nombre total de 613 patients recrutés : 305/417 = 73% pour le 1er indicateur et 107/196 = 55% pour le second. Ces résultats ne sont pas vraiment une surprise et confirment l’idée que nous nous faisions de nos pratiques, à savoir que :

    • Pour près de 3 patients à risque AIT sur 4, la prise en charge des principaux facteurs de risque vasculaire est effective ce qui est satisfaisant, mais on peut certainement faire mieux.
    • Un peu plus d’un patient admis pour bilan cardiaque sur 2 n’a pas fait l’objet d’un examen écho Doppler carotidien ce que l’on a du mal à concevoir compte tenu de l’existence des pathologies cardiaques à l’origine de nombre d’AIT. Là aussi, une amélioration des pratiques est possible. Elle implique nécessairement une collaboration plus étroite et donc une meilleure coordination entre les équipes hospitalières (surtout dans les services de cardiologie et d’angéiologie) et les praticiens de ville.

Pour les huit médecins libéraux participants, ce cycle a été à la fois une expérience originale et une étape importante de leur parcours professionnel qui les ont amenés à formuler de nombreuses remarques sur le thème et la méthode choisie pour cette EPP (audit clinique ciblé) et à tirer un certain nombre d’enseignements pour l’amélioration de leurs pratiques futures :

  1. Les AIT et leur repérage sont un sujet ardu et complexe pour les médecins généralistes : un interrogatoire du malade souvent peu contributif, un risque cardiovasculaire et des signes cliniques pas toujours faciles à mettre en parallèle rendent ce diagnostic difficile. L’attention a été attirée sur un symptôme fréquent dans ce cadre comme en médecine générale : les vertiges. Dans ce cas, l’expérience du généraliste lui a appris à envisager un certain nombre d’étiologies. Ce qui parait évident pour un neurologue, un cardiologue, un angiologue ou un ORL, l’est beaucoup moins pour un généraliste qui, devant ce signe fréquemment allégué par les patients, doit envisager toute une série d’hypothèses diagnostiques, source fréquente d’incompréhension voire de conflit avec un spécialiste donné. Dans cet exemple, il pourrait aussi bien s’agir d’un AIT, d’une hypotension, d’une insuffisance vertébro-basilaire, d’un syndrome vestibulaire ou cérébelleux, d’une hypoglycémie, d’une cause iatrogène, de l’expression somatique d’un état anxiodépressif, d’une arthrose cervicale, etc. Quelles conclusions doit-on en tirer ? Faut-il mettre tous les « vertiges » sous antiagrégants ? De plus, les situations cliniques sont parfois déroutantes : un médecin présent a ainsi rapporté le cas d’un patient porteur d’un trouble du rythme cardiaque emboligène sous anticoagulant qui a présenté malgré cela un AIT.
  2. Il serait intéressant voire essentiel de bien connaître les symptômes révélateurs les plus fréquents sur le plan statistique des AIT afin de mieux orienter l’interrogatoire des malades et ainsi de faciliter leur dépistage. A noter que dans la pratique des médecins participants, ont étés le plus souvent rapportés par les malades : une dysarthrie, des troubles oculaires (diplopie, amaurose transitoires), des troubles sensitifs localisés, des vertiges, des malaises sans perte de connaissance (d’interprétation très délicate ici)
  3. En conclusion, il nous est apparu tout de même quelques évidences sur l’état de nos pratiques sur la prise en charge des AIT et les moyens de les améliorer :
    • L’identification impérative des sujets à risque d’AIT et de leur profil d’exposition : cardio-métabolique, tabagique, âge,…
    • La nécessité d’une vigilance accrue devant la découverte ou l’existence d’un ou plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires chez un patient (un cas d’AIT dans notre groupe a été diagnostiqué avec pour seul facteur retrouvé une hypercholestérolémie)
    • L’importance du bilan de prévention de l’AIT qui doit primer celle du bilan thérapeutique
    • Le bilan de l’état artériel carotidien devrait figurer en première ligne dans la surveillance et le dépistage du risque d’AIT chez les « cardiaques »
    • Une préoccupation partagée par tous les participants : la nécessité absolue de rechercher chez un patient l’existence de symptômes d’AIT ayant précédé un accident vasculaire cérébral (AVC) et de déterminer l’intervalle de temps qui s’est écoulé entre les deux événements.

Le groupe vient ainsi de définir un nouvel indicateur au long cours pour pérenniser une démarche à la fois de dépistage des AIT et de prévention des AVC.

Enfin, l’accent a été mis sur les difficultés d’accès aux examens d’IRM ou de scanners cérébraux en urgence en ville (un médecin présent ayant contacté la structure SOS-AIT d’un hôpital parisien s’est entendu répondre qu’elle était fermée après 19H00).
Dans ces conditions, il nous est donc apparu indispensable de tenter de remédier à cette situation préoccupante en répertoriant tous les centres référents de prise en charge des AIT à PARIS ainsi que les associations concernées par cette pathologie « pour voir ce qu’ils font ».
La diffusion de toutes ces informations au plus grand nombre de praticiens par un support informatique de type CD-ROM par exemple a fait l’objet d’une suggestion par notre confrère angiologue. Nous allons nous efforcer de la mettre en application en espérant qu’elle contribue utilement à optimiser la prise en charge de ce réel problème de santé publique par tous nos confrères généralistes et spécialistes libéraux.